Catégorie : textes

  • Itinéraires de celle qui reste (21/02/23)

    Même au dernier endroit où j’y penserais, au pire endroit, pourrait se trouver une belle surprise. Un dimanche matin avant la course à pied, en descendant les poubelles dans l’immonde local à ordures, j’ai trouvé dans une benne une plante en pot, plus exactement une composition faite d’une ZZ et d’un pothos d’une variété que je ne possédais pas encore, au terreau détrempé. Après avoir consacré un certain temps à extraire les plantes du pot où elles allaient pourrir, en avoir démêlé les racines et les avoir rempotées dans plusieurs pots pour qu’elles se portent bien chez moi, pourrais-je encore entrer dans ce local dégueulasse qu’avec dégout ?

    Tirage de lecture, 10x15cm
  • extrait de « désir replié »

    Il m’a été offert des crayons à papier portugais à la délicate odeur de figuier. Jusqu’à présent je n’écrivais qu’à l’encre, mais je me suis tellement attachée à ce cadeau que j’en ai changé mes habitudes. L’an dernier j’ai reçu de jeunes figuiers pour mon balcon et de délicieux biscuits faits maison aux fruits secs ; j’avais beaucoup parlé de figuiers, sans que qui ce soit ne comprenne pourquoi. Mon hommage discret à Anna, c’était lui attribuer la cause d’une extension de mon monde, celle qui me fait remarquer cet arbre quand je le croise sur mon chemin et me donne du plaisir quand je goûte ses fruits sous toutes ses formes. Pour sentir l’odeur du crayon, il faut faire le même effort que pour une peau : fermer les yeux, se concentrer, y revenir. J’en ai offert à nouveau à qui j’imaginais capable de s’émerveiller avec moi de cette découverte, comme j’en aurais offert un à Anna. En me faisant changer de point de vue, en liant en mon esprit l’amie et les figues au plaisir plutôt qu’au désir replié, c’est un objet qui réconcilie, qui me déplace, un très beau cadeau.

  • Pour cette année qui commence, me souhaiter de parvenir à me débarrasser de ce perpétuel sentiment d’être en retard (sur ce que je veux, dois faire, devenir) et d’être rappelée au présent.

    Depuis plusieurs semaines j’ai arrêté la liste des (dix) images qui constituent la série « désir replié ». C’est une série en préfiguration depuis longtemps, que je nommais pour moi-même mes petites bonnardes. Elle est en effet destinée à se matérialiser en de très petits tirages, dont certains trouveront place dans un écrin, et d’autres dans une forme à laquelle je travaille encore.

    Depuis que cette série existe pour moi, existe avec elle l’idée d’un texte, un texte à écrire, qu’il soit ou non partagé avec les images auxquelles je l’associe. Un texte pour décrire un sentiment, un texte d’accompagnement (au moins pour moi) dont la forme, la longueur, m’importait peu tant qu’il existait. La série est une histoire que je voulais me raconter, et il y a quelques jours, j’ai réalisé que le sentiment allait me devenir étranger, et qu’il fallait écrire, écrire n’importe quoi, avant de ne plus rien pouvoir écrire, reconnaitre de ce sentiment. Aujourd’hui c’est chose faite, et j’ai hâte de pouvoir consacrer du temps à ces tirages pour mieux quitter ces images.

    (Note pour 2023 : arrêter de prendre des notes pour écrire plus tard, écrire tout de suite)

  • ARCHIVES Itinéraires de celle qui reste

    ARCHIVE brouillon 2017

    En retournant à Montpellier ce mois-ci, je me rappelle que les itinéraires ont commencé hier en juin, en 2017, lors de ma découverte de la ville.

  • [ARCHIVE] itinéraires de celle qui reste

    « Itinéraires intimes » 201?
  • Carnet de celle qui reste

    Remis en ligne le Carnet de celle qui reste (2018), où les 20 10 premières pages sont à disposition.

    Extrait du carnet de celle qui reste (2018)

    J’aimerais un nouveau carnet pour en faire le pendant hivernal de cette archive. Mesurer, non, mais qualifier, comprendre, questionner la distance parcourue, avec pour espoir de défroisser la joie.

    Cet itinéraire de celle qui reste, qui a plus de 4 ans, n’a pas été écrit pour être partagé. Si bien que cette liste de plaisirs, de ravissements, de joies, m’apparaît aujourd’hui avec le charme de l’innocence. Je ne pourrais plus l’écrire ainsi maintenant, pour plusieurs raisons, et il me faudra lui trouver d’autres attraits que la spontanéité, à commencer par une plus jolie couverture.

  • [ekrã] 1 (2022)

    [ekrã] 1 (2022)

    Ce qu’il adviendrait si, à chaque besoin de réconfort ou d’excitation, nous choisissions de revenir à la même image dans un écrin, plutôt qu’à celles qui défilent sur l’écran.

    La mienne représenterait, dans un étui argenté, un lieu de mes possibles, peu fréquenté et source des désirs renouvelés : un fauteuil de musée ou de petit cinéma, une rue calme peut-être être piétonne, un banc public.

  • autour de l’escalier

    Au travail, lors d’un créneau de rangement à la bibliothèque universitaire, je tombe sur un livre sur Wolfgang Laib. Parmi les quatre artistes qui seront exposés dans la prochaine exposition temporaire du musée de Grenoble, c’est le seul nom qui ne me dise absolument rien. Comme lorsque j’ai l’occasion d’écouter des podcasts en cataloguant des ouvrages, je rentre chez moi de bonne humeur, d’humeur curieuse, le livre dans mon sac. C’est le catalogue d’une exposition de l’artiste au musée de Grenoble, en 2008. (Cette année-là, je quittais Lyon pour Lille, les études pour une vie professionnelle très précaire. J’allais y découvrir ce que j’avais entraperçu lorsque je vivais à Nancy et me rendais régulièrement à Paris : le cinéma et les expositions.) Je le feuillette sans trop d’intérêt jusqu’à ce que je me décide à lire l’avant-propos du directeur du musée. Il y est question d’efforts, de dispositions nécessaires et j’accueille le cliché comme un bonbon : ses œuvres inviteraient à changer de point de vue sur le monde. Alors je reconnais cet escalier en photo dans l’ouvrage, une œuvre présente au sous-sol du musée, devant laquelle je suis passée tant de fois en sept ans, sans jamais m’y arrêter, m’y intéresser. Je sais déjà qu’il en sera autrement lorsque je viendrai visiter l’exposition temporaire.
    Ce jour-là, je suis alors un peu déçue qu’il n’y ait aucune assise permettant de prendre le temps face aux œuvres. Je fais des allers et venues à plusieurs reprises devant ma pièce préférée, les « Etudes de grottes » de Cristina Iglesias, des sérigraphies sur cuivre bleuies/verdies par endroits par de l’acide. Quand je poursuis ma visite dans les salles des collections permanentes, je retrouve les paniers à coussins que j’aime tant et que j’ai souvent photographiés en ces lieux. Depuis quelques temps, deux tirages sont posés sur mon bureau. On y aperçoit ce fameux fauteuil dans une vue assez géométrique de l’architecture des lieux. J’avais voulu utiliser cette image pour une série « désirs repliés » de tout petits tirages que je n’ai pas menée à bien, mais elle était un peu floue, pas assez bien recadrée, si bien que j’avais décidé de la laisser en évidence jusqu’à ce que je sache comment l’utiliser. Au lieu de la voir comme un échec ou une frustration (le tirage argentique me manquait, faute de temps), je me suis mise à trouver sa présence réconfortante. Est-ce que je serais de ces personnes qui, aux photos de leurs proches gardées pliées dans un portefeuille, préfèreraient celle de lieux chargés de possibles ? J’imaginais quels endroits, pliés en quatre, symboliseraient le mieux mes désirs de toujours : ces fauteuils, ceux d’un cinéma, un banc public… et ce qui pourrait les protéger d’une consultation compulsive (un étui en plastique transparent comme ceux des pièces d’identité, un médaillon pour minuscule reproduction). Qu’adviendrait-il en effet si nous consultions, à la recherche d’un réconfort ou d’une excitation, une telle image aussi souvent qu’un français moyen consulte son smartphone ?
    Me voici maintenant face à l’escalier de Wolfgang Laib et je suis reconnaissante à l’agent de sécurité de m’avoir laissé seule dans chacune des pièces de ce niveau du musée. Je suis heureuse de n’être pas dérangée lorsque je fais cette découverte : si je n’ai jamais prêté attention aux marches recouvertes de laque noire de Birmanie, je connais pourtant déjà le meilleur point de vue sur l’oeuvre, le meilleur endroit pour la contempler confortablement, pour m’y être souvent installée en pensées. Le fauteuil photographié, je l’investis à présent avec le frisson de qui s’est offert une nouvelle signification. Et pour mon histoire, je décide d’y rester un moment, assez longtemps pour terminer la lecture du livre que j’avais emporté sur moi et pour avoir l’occasion d’échanger quelques sourires polis avec des visiteurs aussi pressés que je ne l’étais auparavant face aux marches laquées. Je ne sais pas encore que ce lieu que je charge de symbolique m’échappera encore en partie : quand je rentre chez moi je constate qu’il n’y a pas un mais trois fauteuils sur mes images.

  • Nous sommes ici, et là… l’escalier de secours

    Au fond de nos poches, ce ne serait plus des sachets ou morceaux emballés de sucre que nous trouverions, mais de petits escaliers de secours.

    Là et quand survivre n’est plus tant question de calories (où peut-être bien que si, mais à l’inverse) que de s’extraire (du divertissement, des dépendances, des conditionnements, des réactions immédiates), ces rectangles de papier pliés, par l’attention que nous leur consacrerions chaque fois que nécessaire, nous (re)conduiraient au temps long.

    Tout en les formant, parcourant, de nos doigts, de notre imagination, nous serions concentrés à créer la possibilité d’une sortie.

  • (ARCHIVE)

    Anna, depuis quand ai-je arrêté de soulever ma peine ? Les haltères violettes achetées pour toi, en pensant à toi – les haltères choisies non pour leur poids mais leur couleur, celle des murs de ta chambre lors de nos premières vidéo-discussions, il me faut les remettre à leur place. Leur utilité première ici n’est-elle pas de rester en évidence, presque dans le passage, pour trébucher sur le présent ?
    Je fais à nouveau quelques étirements, je tends les bras vers celle que je veux devenir, rencontrer : je ne comprends pas tout de suite que j’ai perdu en souplesse, retrouvé ce rythme criminel qui avait toujours été le mien (quelqu’un pourrait mourir sans que j’y prête attention).
    C’est en utilisant notre nouveau moulin à café manuel que je me suis souvenue de ma promesse de muscler mes bras pour aimer en ton nom. En broyant les grains j’ai pensé à quelques amitiés que le café fin relie, j’y ai pensé sans toutefois me mettre à leur temps, négligeant à nouveau d’étirer le présent.