Catégorie : Promener sa peine

  • Mardi 14 mars 2023

    C’est un ancien téléphone que l’on met en charge puis rallume, en vue de le prêter à un ami qui s’est fait voler le sien. Le déjeuner est bientôt prêt, il est prévu de fêter une date la veille, de sortir des bougies comme cela n’est jamais fait. Sans trop y prêter attention nous sommes en 2020, les cheveux roux ou les cheveux noirs, curiosité amusée puis un peu plus grave, on veut revoir le visage de l’amie qui alors est encore vivante, sa tête couronnée au dessus du journal d’appels et de ce que l’on y découvre trois ans plus tard : un appel manqué qui nous accuse, nous coupe le souffle, nous pulvérise et une douleur qui n’a plus rien de flou, d’indéfini. (L’intuition de la peine était bonne.)

    Cet après-midi, impossible de faire autre chose que de remettre en ligne la page « Promener sa peine » (2021 – ), à étoffer bientôt.

  • Les heures sauves (2021-2022)

    Série « les heures sauves » – photographies argentiques couleurs réalisées avec un appareil de type point and shoot – numérisation sans retouche (recadrage pour mosaïque de présentation)

    Hommage discret – « Promener sa peine sous un ciel bleu » (2021- )

  • lundi 16 janvier 2023

    extrait de « désir replié »

    Il m’a été offert des crayons à papier portugais à la délicate odeur de figuier. Jusqu’à présent je n’écrivais qu’à l’encre, mais je me suis tellement attachée à ce cadeau que j’en ai changé mes habitudes. L’an dernier j’ai reçu de jeunes figuiers pour mon balcon et de délicieux biscuits faits maison aux fruits secs ; j’avais beaucoup parlé de figuiers, sans que qui ce soit ne comprenne pourquoi. Mon hommage discret à Anna, c’était lui attribuer la cause d’une extension de mon monde, celle qui me fait remarquer cet arbre quand je le croise sur mon chemin et me donne du plaisir quand je goûte ses fruits sous toutes ses formes. Pour sentir l’odeur du crayon, il faut faire le même effort que pour une peau : fermer les yeux, se concentrer, y revenir. J’en ai offert à nouveau à qui j’imaginais capable de s’émerveiller avec moi de cette découverte, comme j’en aurais offert un à Anna. En me faisant changer de point de vue, en liant en mon esprit l’amie et les figues au plaisir plutôt qu’au désir replié, c’est un objet qui réconcilie, qui me déplace, un très beau cadeau.

  • 27.12.2022

    Carte postale ancienne de Pau trouvée en ressourcerie à Grenoble / la statue
    Attirer le passé à nous / extrait de « La contre-culture dans la photographie contemporaine » M. Poivert (Textuel, 2022)
  • Anna, depuis quand ai-je arrêté de soulever ma peine ? Les haltères violettes achetées pour toi, en pensant à toi – les haltères choisies non pour leur poids mais leur couleur, celle des murs de ta chambre lors de nos premières vidéo-discussions, il me faut les remettre à leur place. Leur utilité première ici n’est-elle pas de rester en évidence, presque dans le passage, pour trébucher sur le présent ?
    Je fais à nouveau quelques étirements, je tends les bras vers celle que je veux devenir, rencontrer : je ne comprends pas tout de suite que j’ai perdu en souplesse, retrouvé ce rythme criminel qui avait toujours été le mien (quelqu’un pourrait mourir sans que j’y prête attention).
    C’est en utilisant notre nouveau moulin à café manuel que je me suis souvenue de ma promesse de muscler mes bras pour aimer en ton nom. En broyant les grains j’ai pensé à quelques amitiés que le café fin relie, j’y ai pensé sans toutefois me mettre à leur temps, négligeant à nouveau d’étirer le présent.

  • – ARCHIVE – La manucure (Promener sa peine)

    La manucure, hommage discret de janvier.

    Aucune ville ne m’a vue aussi seule que celle-ci où j’habite et à laquelle je ne veux pour l’instant renoncer.
    Combien sont-ils, qui voyant mes ongles perdre leur habituelle couleur rouge, pourraient y voir un hommage ?
    Au bout de mes mains, les doigts d’une femme aimée : je l’embrasserais en me faisant les ongles.
    Qui pour concevoir que tous les compliments ne sont pas agréables à recevoir, que l’on se fiche parfois d’une délicatesse, d’une élégance, d’une douceur pour tous, qu’on préférerait une vulgarité sans hésitation – pourvu qu’elle soit justement adressée et reçue.

    À présent il est insupportable de causer chiffons et couleurs de laque en ton absence.
    Tu aurais fini par me mordre.

    Quand une jeune femme, les cheveux en carré, remet une mèche derrière l’oreille, je dois me pincer pour ne pas t’apercevoir.

    Tu n’as pas tenu parole : qui m’offrira un sirop de violette ? Comme elle, je t’aurais portée.
    Tu ne dis plus rien et je t’entends toujours demander si je suis prête à être une bonne amie, maintenant qu’il est trop tard.
    Je ne te retrouverai pas avant d’avoir osé toutes les maladresses ; si ma main tremble, si ma voix tremble, du courage pour sauver d’autres jours.

    Quand je suis entrée dans le Sephora, on a pu me prendre pour une cliente. Mais j’étais celle qui reste, qui cherchait ta teinte et ne se ressemblait pas. Je voulais faire glisser tes doigts contre ma joue, faire battre ta main dans mon sexe, je voulais même me tromper et décevoir, si j’avais pu les* aimer pour toi.
    J’étais en retard, personne ne m’avait prévenue.

    Il m’était presque sorti de la tête que je portais depuis bientôt une semaine une teinte étrangère. Mardi je me caressais avec tes mains, rendais tangible un souvenir pour mieux l’embrasser. Dimanche la manucure a perdu de sa photogénie et sur le point de la remplacer, je me demande si cette envie de fumer, ces derniers jours, m’appartenait ou si elle ne brûlait que tes doigts. Et ce simulacre de corps inerte qui de bon matin fit couler des larmes qu’une séduisante inconnue sécha : étaient-elles pour toi ou par toi ?

    (ARCHIVE)
    Dans Promener sa peine, janvier 2021

  • Mardi 3 mai 2022

    [figje] pour hommage discret de mai.

  • Mardi 12 avril 2022

    Vous marchez avec plaisir, espérant comme à votre habitude perdre celle-ci, trouver celle-là. Une fois de plus, vous vous isolez sur un chemin tranquille, peu fréquenté, loin de l’agitation courante. Il se trouve qu’au fil du temps, vous avez développé toutes sortes de pratiques pour vous décontaminer et entendre votre forme à nouveau, malgré les porosités. En sortant de vos imaginés, vous vous retrouvez seuls face à la catastrophe. Les amis, distraits, ont-ils fui sans faire exprès avec vos possibles ? Vous voilà incapables de penser une autre version de l’histoire qui vous est racontée et vous attendez ici, patiemment, que votre peine vous reconnaisse et vous entraîne ailleurs. Celle qui se présente à vous, la seule à même d’offrir des limites à vos larmes, est illégitime. Votre tristesse épouse alors ses contours et déjà vous épuisez ce sinistre qui ne vous appartient pas : bientôt vous promènerez votre peine sous un ciel bleu.

    ______

    Pour promener sa peine
    ou
    le désir replié
    ?

  • Jeudi 7 avril 2022

    L’hommage d’avril consiste à soulever sa peine, à répétitions. Ça s’invente facilement, j’achète le deuxième jour une paire d’haltères de la couleur des murs de ta chambre, celle de nos premières webcams. Tu habitais violette chez tes parents, nos nuits éloignées se chargeaient du désir de nos vingt ans – de jouir, de souffrir, d’aimer sans rien y connaître – si bien qu’à trente nous n’avions su devenir de douces amies, même l’indifférence était violente. Nous imaginions le meilleur et le pire de cette rencontre si différée ; tu n’avais pas tort quand tu disais que nous ne serions froides jamais, jamais nous serions. En souvenir de tes bras et de nos promesses endurantes, j’oublie pour toi l’idéal fessier et chaque jour soulève ma peine de ne pas nous avoir osé. A répétitions j’enterre les possibles pour celle(s) que tu enviais déjà.

  • Brouillon du dimanche 3 mars 2022

    Réalisé il y a quelques jours cette image, représentation de l’hommage non rendu de mars : « signes distinctifs ».
    L’inventaire en cours de ces hommages discrets est à retrouver sur cette page que je compte bien mettre à jour petit à petit ce mois-ci.