Auteur/autrice : Laetitia Dë

  • Bientôt 13 ans.

    Est-ce que j’aimerais pouvoir écrire que lorsque le sol semblait s’effondrer sous mes pas, le nous était une évidence à laquelle se rattacher ? Certains jours, probablement. Seulement il n’y a pas beaucoup plus de certitudes dans ce que nous construisons ensemble que dans ce que nous sommes ou avons été chacun séparément. Ce lien fort mais sans cesse remodelé, qu’aucun de nous deux ne rechignerait à qualifier d’exceptionnel, nous refusons de l’appeler chance tant il est le résultat de nos efforts et d’un dialogue ininterrompu que d’un destin. D’ailleurs ce nous, ou entre nous, ne nous dépasse rarement, ayant même le plus souvent un train de retard sur le courage de chacun. Cette inertie avec laquelle nous aimerions n’avoir rien à faire, nous fait-elle vivre un peu moins ou un peu mieux ? C’est dans cet espace qui paraît ne pas nous appartenir qu’éclatent des disputes pouvant s’évanouir dans l’effort d’une heure de course à pied à la tombée de la nuit. Tout à la fois déraison de veille de randonnée et éclaircissement des idées, à mesure que l’on foule les petites frustrations, irritations, réactions égoïstes et que ne reste que ce qui importe : ce que l’on fait avec ce qu’on est, ce que l’on pense.

  • Autour de Chambre 209

    Non pas photographies de couple mais couples de photographies : mis en ligne il y a quelques semaines déjà la page Chambre 209 chambres à part présentant un aperçu d’une série en cours de réalisation avec Arnaud. Photographies argentiques en noir et blanc, prises la plupart du temps de façon indépendante, mais développés, tirées et réunies en paires par l’un, l’autre ou les deux. Ce qu’il advient et ce qui se perd, dans l’élaboration comme dans le résultat, signifie probablement davantage que ce que nous cherchons à montrer ; voilà ce que j’aimerais déplier une fois la série terminée.

  • Recherches pour un baiser,
    atelier mobile pour cyanotypes sur le chemin des habitudes.

  • Pop

    L’appareil de récup’ que j’utilise en « point and shoot » (cadrer/déclencher) pour réaliser des photographies couleurs semble donner de meilleurs rendus avec des pellicules en 200 iso (comme pour la série « De n’importe où « ) qu’en 400 (comme la dernière réalisée, dont est tirée l’image non retouchée ci-dessus, qui fait figure de plaisante exception.) Comme j’utilise cet appareil quand l’intention prime sur le résultat, décidant par avance de ne pas retoucher mes images, le choix de la sensibilité des pellicules sera la seule coquetterie de cet été concernant cet appareil malmené et rafistolé. Il ne vaut probablement pas grand chose mais j’y tiens (je tiens à l’utiliser) car en plus de me tenir éloignée des écrans et leur surplus de possibles, il me permet de questionner davantage la raison de mes prises de vues en supprimant presque toute – non possibilité, mais – assurance de réaliser de belles images : que suis-je en train de faire si je ne produis pas d’aimables surfaces ?

  • Les deux petits carnets remplis de notes qui ne m’étaient d’aucun secours pour donner la forme de deux ou trois phrases à ma pensée, je les ai jetés. Je viens de les jeter de la même façon qu’il y a quelques mois je portais deux très lourds cabas de carnets – une décennie de notes – à la déchetterie et donnais quelques sacs de vêtements dont la seule qualité était, si c’en est une, de briller. Par de la même façon j’entends : avec le courage de n’accorder que peu de valeur aux possibles et de s’accepter pauvre, ou peut-être seulement riche du geste répété de choisir. Car si penser et choisir aboutit presque toujours au choix de faire à nouveau (au lieu de faire plus, en plus), faire à nouveau à partir du presque rien qu’on s’est choisi, alors est-ce encore préférer ce qui pourrait être à ce qui est ? (Ou tout dépenser pour ce dont on juge qu’il devrait être ?)

  • Si les gestes qu’il improvise sont les mêmes que ceux d’une chorégraphie apprise, copiée, alors comment faire comprendre qu’il ne danse pas ?

  • surenchère de surfaces

    ce qui s’en échappe quand on les fait défiler
    sont-ce poussières ou pollens ?
    (il semblerait que j’y sois allergique)

  • L’an dernier j’achetai pour la deuxième fois un petit pot pas cher d’oxalis en piteux état, dans l’idée de l’aider à retrouver de sa superbe. Plutôt que de chercher en vain la belle plante en parfaite forme, j’avais voulu diriger mes efforts (et ma satisfaction) sur l’entretien en place de l’achat. Au fil des semaines, l’envie d’en faire cadeau à quelqu’un que j’estime beaucoup m’est venue : que donner à qui n’est pas matérialiste, à qui j’ai si peu à offrir, si ce n’est une bienveillante disposition, et mes efforts ?
    Toute cette année, et plus encore cet automne-hiver, le plaisir personnel et immédiat est passé au second plan. Alors ce printemps, en achetant pour la troisième fois quelques tristes feuilles pourpres, l’idée de prendre soin pour ne pas profiter soi-même du résultat ne m’est pas étrangère.

  • Sous les intempéries, je garde la bouche ouverte

    sous les intempéries
    je garde la bouche ouverte
    assis seul sur le pont, qui lit pourtant
    un ami imaginé clignant de l’oeil
    la complicité ne se nouerait-elle pas mieux dans l’effort que dans la satisfaction ?
    accrochés aux branches cassantes
    n’écoutez rien de ce que transporte le vent
    les secours ne viendront pas
    en levant la tête il pleut autant de raisons
    de mêler vos langues à la boue
    fermement responsables d’un peut être.

  • Jusqu’à nouer nos joies

    Tourner sa langue
    combien de fois déjà ?
    Le monde ne s’écroule pas avec toi,
    le monde s’écroule sans toi.
    Poser ça là sans l’écrire, sans le dire,
    à peine mâchonné.
    (On voulait se débarrasser d’un geste, c’est du langage dont on constate la disparition.)