Je m’éparpille, est-ce un mal ? Selon le jour où la question se pose, la réponse est parfois oui, d’autres non. Certaines semaines seraient plus douces de pouvoir trancher. Mais alors, est-ce que je ne deviendrais pas comme celui qui m’a traitée d’égoïste entre deux portes ? Faut-il encore que je m’en veuille, d’être incapable d’argumenter quand les discussions sont closes avant d’avoir commencé ? Faut-il encore que je m’excuse d’être gênée, fragile, bégayante en l’absence de nuances ? Face à la violence de ceux qui ne pensent pas à mal, faut-il encore que je justifie mes hésitations ? N’y a-t-il pas ailleurs d’autres responsabilités à prendre qui ne nécessiteraient ni d’adhérer ni d’affirmer, mais d’aller sans avec ni contre ?
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Point d’étape : tout ce qui est dedans s’agite autour. Je poursuis ma collecte de flyers culturels malgré les consignes sanitaires qui les font disparaitre par endroits. Ce que j’y lis me parle sans rien me dire ; que des échos, aucune mélodie. Me voilà entourée de mes pensées, à faire du constat un mauvais signe. Puis-je encore user du même vocabulaire ? « Parcourir la saison », « renégocier sa relation au territoire à partir du souvenir et de l’expérience », « faire un pas de côté », « voir le monde autrement », sans distraire et participer à l’air du temps ? J’évite d’aborder mon sujet de peur que mes phrases se recroquevillent davantage. Si j’accepte volontiers de douter de ce que j’ai à dire, je redoute que le comment devienne une question plus paralysante que stimulante pour la pensée.
Quand j’ai revu ma meilleure amie de jeunesse l’an passé, elle s’est étonné que je parle vraiment beaucoup moins qu’avant. Certains souvenirs pourraient aussi être surpris de la difficulté à écrire, ne serait-ce que rédiger. Quand j’ai aperçu la bêtise, j’ai fui. Il y a des espaces à reconquérir bien au delà du bureau. Aujourd’hui, je n’ai que douze ans et c’est un jour sans dans ma pièce préférée.