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  • Archive (201?)
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  • autour de l’escalier

    Au travail, lors d’un créneau de rangement à la bibliothèque universitaire, je tombe sur un livre sur Wolfgang Laib. Parmi les quatre artistes qui seront exposés dans la prochaine exposition temporaire du musée de Grenoble, c’est le seul nom qui ne me dise absolument rien. Comme lorsque j’ai l’occasion d’écouter des podcasts en cataloguant des ouvrages, je rentre chez moi de bonne humeur, d’humeur curieuse, le livre dans mon sac. C’est le catalogue d’une exposition de l’artiste au musée de Grenoble, en 2008. (Cette année-là, je quittais Lyon pour Lille, les études pour une vie professionnelle très précaire. J’allais y découvrir ce que j’avais entraperçu lorsque je vivais à Nancy et me rendais régulièrement à Paris : le cinéma et les expositions.) Je le feuillette sans trop d’intérêt jusqu’à ce que je me décide à lire l’avant-propos du directeur du musée. Il y est question d’efforts, de dispositions nécessaires et j’accueille le cliché comme un bonbon : ses œuvres inviteraient à changer de point de vue sur le monde. Alors je reconnais cet escalier en photo dans l’ouvrage, une œuvre présente au sous-sol du musée, devant laquelle je suis passée tant de fois en sept ans, sans jamais m’y arrêter, m’y intéresser. Je sais déjà qu’il en sera autrement lorsque je viendrai visiter l’exposition temporaire.
    Ce jour-là, je suis alors un peu déçue qu’il n’y ait aucune assise permettant de prendre le temps face aux œuvres. Je fais des allers et venues à plusieurs reprises devant ma pièce préférée, les « Etudes de grottes » de Cristina Iglesias, des sérigraphies sur cuivre bleuies/verdies par endroits par de l’acide. Quand je poursuis ma visite dans les salles des collections permanentes, je retrouve les paniers à coussins que j’aime tant et que j’ai souvent photographiés en ces lieux. Depuis quelques temps, deux tirages sont posés sur mon bureau. On y aperçoit ce fameux fauteuil dans une vue assez géométrique de l’architecture des lieux. J’avais voulu utiliser cette image pour une série « désirs repliés » de tout petits tirages que je n’ai pas menée à bien, mais elle était un peu floue, pas assez bien recadrée, si bien que j’avais décidé de la laisser en évidence jusqu’à ce que je sache comment l’utiliser. Au lieu de la voir comme un échec ou une frustration (le tirage argentique me manquait, faute de temps), je me suis mise à trouver sa présence réconfortante. Est-ce que je serais de ces personnes qui, aux photos de leurs proches gardées pliées dans un portefeuille, préfèreraient celle de lieux chargés de possibles ? J’imaginais quels endroits, pliés en quatre, symboliseraient le mieux mes désirs de toujours : ces fauteuils, ceux d’un cinéma, un banc public… et ce qui pourrait les protéger d’une consultation compulsive (un étui en plastique transparent comme ceux des pièces d’identité, un médaillon pour minuscule reproduction). Qu’adviendrait-il en effet si nous consultions, à la recherche d’un réconfort ou d’une excitation, une telle image aussi souvent qu’un français moyen consulte son smartphone ?
    Me voici maintenant face à l’escalier de Wolfgang Laib et je suis reconnaissante à l’agent de sécurité de m’avoir laissé seule dans chacune des pièces de ce niveau du musée. Je suis heureuse de n’être pas dérangée lorsque je fais cette découverte : si je n’ai jamais prêté attention aux marches recouvertes de laque noire de Birmanie, je connais pourtant déjà le meilleur point de vue sur l’oeuvre, le meilleur endroit pour la contempler confortablement, pour m’y être souvent installée en pensées. Le fauteuil photographié, je l’investis à présent avec le frisson de qui s’est offert une nouvelle signification. Et pour mon histoire, je décide d’y rester un moment, assez longtemps pour terminer la lecture du livre que j’avais emporté sur moi et pour avoir l’occasion d’échanger quelques sourires polis avec des visiteurs aussi pressés que je ne l’étais auparavant face aux marches laquées. Je ne sais pas encore que ce lieu que je charge de symbolique m’échappera encore en partie : quand je rentre chez moi je constate qu’il n’y a pas un mais trois fauteuils sur mes images.

  • dimanche 19.12.21

    Chambre à part/bureau

  • Mécanique

  • Pop

    L’appareil de récup’ que j’utilise en « point and shoot » (cadrer/déclencher) pour réaliser des photographies couleurs semble donner de meilleurs rendus avec des pellicules en 200 iso (comme pour la série « De n’importe où « ) qu’en 400 (comme la dernière réalisée, dont est tirée l’image non retouchée ci-dessus, qui fait figure de plaisante exception.) Comme j’utilise cet appareil quand l’intention prime sur le résultat, décidant par avance de ne pas retoucher mes images, le choix de la sensibilité des pellicules sera la seule coquetterie de cet été concernant cet appareil malmené et rafistolé. Il ne vaut probablement pas grand chose mais j’y tiens (je tiens à l’utiliser) car en plus de me tenir éloignée des écrans et leur surplus de possibles, il me permet de questionner davantage la raison de mes prises de vues en supprimant presque toute – non possibilité, mais – assurance de réaliser de belles images : que suis-je en train de faire si je ne produis pas d’aimables surfaces ?

     

  • 23.04.2021

    Si les gestes qu’il improvise sont les mêmes que ceux d’une chorégraphie apprise, copiée, alors comment faire comprendre qu’il ne danse pas ?

     

     

  • surenchère de surfaces

    ce qui s’en échappe quand on les fait défiler
    sont-ce poussières ou pollens ?
    (il semblerait que j’y sois allergique)

  • L’an dernier j’achetai pour la deuxième fois un petit pot pas cher d’oxalis en piteux état, dans l’idée de l’aider à retrouver de sa superbe. Plutôt que de chercher en vain la belle plante en parfaite forme, j’avais voulu diriger mes efforts (et ma satisfaction) sur l’entretien en place de l’achat. Au fil des semaines, l’envie d’en faire cadeau à quelqu’un que j’estime beaucoup m’est venue : que donner à qui n’est pas matérialiste, à qui j’ai si peu à offrir, si ce n’est une bienveillante disposition, et mes efforts ?
    Toute cette année, et plus encore cet automne-hiver, le plaisir personnel et immédiat est passé au second plan. Alors ce printemps, en achetant pour la troisième fois quelques tristes feuilles pourpres, l’idée de prendre soin pour ne pas profiter soi-même du résultat ne m’est pas étrangère.

  • Octobre 2020

    Je m’éparpille, est-ce un mal ? Selon le jour où la question se pose, la réponse est parfois oui, d’autres non. Certaines semaines seraient plus douces de pouvoir trancher. Mais alors, est-ce que je ne deviendrais pas comme celui qui m’a traitée d’égoïste entre deux portes ? Faut-il encore que je m’en veuille, d’être incapable d’argumenter quand les discussions sont closes avant d’avoir commencé ? Faut-il encore que je m’excuse d’être gênée, fragile, bégayante en l’absence de nuances ? Face à la violence de ceux qui ne pensent pas à mal, faut-il encore que je justifie mes hésitations ? N’y a-t-il pas ailleurs d’autres responsabilités à prendre qui ne nécessiteraient ni d’adhérer ni d’affirmer, mais d’aller sans avec ni contre ?

    Point d’étape : tout ce qui est dedans s’agite autour. Je poursuis ma collecte de flyers culturels malgré les consignes sanitaires qui les font disparaitre par endroits. Ce que j’y lis me parle sans rien me dire ; que des échos, aucune mélodie. Me voilà entourée de mes pensées, à faire du constat un mauvais signe. Puis-je encore user du même vocabulaire ? « Parcourir la saison », « renégocier sa relation au territoire à partir du souvenir et de l’expérience », « faire un pas de côté », « voir le monde autrement », sans distraire et participer à l’air du temps ? J’évite d’aborder mon sujet de peur que mes phrases se recroquevillent davantage. Si j’accepte volontiers de douter de ce que j’ai à dire, je redoute que le comment devienne une question plus paralysante que stimulante pour la pensée.
    Quand j’ai revu ma meilleure amie de jeunesse l’an passé, elle s’est étonné que je parle vraiment beaucoup moins qu’avant. Certains souvenirs pourraient aussi être surpris de la difficulté à écrire, ne serait-ce que rédiger. Quand j’ai aperçu la bêtise, j’ai fui. Il y a des espaces à reconquérir bien au delà du bureau. Aujourd’hui, je n’ai que douze ans et c’est un jour sans dans ma pièce préférée.