Quelle chance y avait-il pour que l’esthéticienne « de dépannage » que je rencontre pour me faire épiler les aisselles la veille d’un bref séjour à Arles ait une croix de Camargue tatouée sur la cheville, et qu’elle me la montre ?
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J’essaie de ne pas oublier son visage, que j’ai si peu regardé.
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[figje] pour hommage discret de mai.
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Archives, dépoussiérage. À retrouver dans Particulière 5.
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De retour de Marseille sans notes ni photos prises à d’autre fin que le souvenir, je repense aux « itinéraires intimes », cet ancien texte fragmentaire qu’il me tenait tant à cœur d’écrire que j’en ai jeté tous les carnets de notes et matériaux il y a un ou deux ans, en même temps qu’une décennie de journaux, de ne parvenir à le faire. Il me semblait qu’à ne plus vouloir m’exprimer comme la fille de mes parents, comme l’élève studieuse que j’avais été, comme l’adolescente menteuse, la jeune femme séductrice, comme l’amie de ceux dont je n’appréciais plus la compagnie, comme les écrivains qui avaient agrandi mon monde, comme le milieu professionnel auquel j’avais voulu appartenir à vingt ans ; il me semblait qu’à ne plus vouloir exprimer que la distance avec celles que j’avais été, qu’à me méfier de tout ce qui pourrait me faire raconter une autre histoire que celle que je choisirais librement, j’avais détruit toute possibilité de dire (dans les bons jours, de penser dans les mauvais).
De retour de Marseille sans avoir envoyé de cartes postales ni abandonné quoique ce soit de moi dans la ville, la différence avec mes précédents déplacements me paraît tenir au fait de n’avoir pas tenu à me dire, d’avoir moins voulu raconter d’histoires qu’y participer. Ce plan sur lequel j’avais collé quelques gommettes argentées avant de partir, je m’en sépare facilement au profit d’une autre personne ; facilement, inopinément et avec le plaisir de qui s’extrait du sujet avant d’avoir terminé sa phrase.
De retour de Marseille, c’est sur une autre langue que la mienne que j’aperçois fondre les pastilles turinoises et l’image m’enchante : j’y entrevois d’étrangères manières de raviver l’intention de mes itinéraires, qui n’ont plus grand-chose à voir ni avec mes possibles ni mes peurs, et m’y épuise sans regret. -
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Vous marchez avec plaisir, espérant comme à votre habitude perdre celle-ci, trouver celle-là. Une fois de plus, vous vous isolez sur un chemin tranquille, peu fréquenté, loin de l’agitation courante. Il se trouve qu’au fil du temps, vous avez développé toutes sortes de pratiques pour vous décontaminer et entendre votre forme à nouveau, malgré les porosités. En sortant de vos imaginés, vous vous retrouvez seuls face à la catastrophe. Les amis, distraits, ont-ils fui sans faire exprès avec vos possibles ? Vous voilà incapables de penser une autre version de l’histoire qui vous est racontée et vous attendez ici, patiemment, que votre peine vous reconnaisse et vous entraîne ailleurs. Celle qui se présente à vous, la seule à même d’offrir des limites à vos larmes, est illégitime. Votre tristesse épouse alors ses contours et déjà vous épuisez ce sinistre qui ne vous appartient pas : bientôt vous promènerez votre peine sous un ciel bleu.
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Réalisé il y a quelques jours cette image, représentation de l’hommage non rendu de mars : « signes distinctifs ».
L’inventaire en cours de ces hommages discrets est à retrouver sur cette page que je compte bien mettre à jour petit à petit ce mois-ci. -
Programme de mars : VI. Des signes distinctifs. Je poursuis mes hommages, d’autant plus invisibles que j’accumule du retard dans la formalisation de leurs intentions et l’archivage de leurs traces. En cela (leur retard dans une chronologie que je suis seule à connaître) et par d’autres aspects, ils ont toute leur place dans ma vie (s’insèrent dans ses défauts les plus flagrants). Je sens que la joie qui revient, les désirs qui se déplient n’iront pas contre cette peine, que je les promènerai tous à la fois.
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Chambres séparées
Attendre des rencontres qu’elles soient aussi belles et puissantes (de bouleversement, d’enrichissement) que la nôtre, n’est-ce pas aussi vain que de chercher à reproduire des accidents ?
Nous nous sommes connus des années avant de nous rencontrer. Dans son répertoire, je suis passée de « belle inconnue » à « ma belle ». Si nous nous sépariions, encore amoureux, amants, amis ou en désaccord, comment m’appellerait-il et m’appellerait-il encore ?
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Et si je revenais à mon envie première en mettant en ligne ce site, et en le nommant ainsi ? Un atelier davantage qu’une vitrine. Du brouillon, la spontanéité et le caractère non définitif.
Si tu savais, Anna, les jours que tu sauves.
J’ai le plus grand mal à faire traverser les saisons à ce projet photographique, qui me tient pourtant tant à cœur, entamé cet été. « J’irai promener ma peine sous un ciel bleu », « une journée à ne pas y mettre fin », « les jours que tu sauves ». Je nomme, renomme mais reste incapable de formuler mes intentions sans ambiguïté. Et comme pour à peu près tout ce que je fais, dans tous les domaines de ma vie, il m’est impossible de continuer à faire si je ne peux dire pourquoi. (Il n’y a qu’au bord du suicide qu’on pourrait m’entendre dire « c’est la vie ».)
Je sais que quelque chose de crucial se joue ici, à la libération de l’expression, de mon appartenance au monde. Un quelque chose qui ne tient pas tant du développement personnel que de la conviction politique, un quelque chose de grand qui passe par des tentatives ridicules. De la même façon que je me réjouis de retrouver la santé après des mois et des mois d’entraînements lamentables à la course à pied, il me plaît de travailler à faire disparaître des points de côté d’un autre ordre à partir ce projet hautement symbolique pour moi.